J’ai beau essayer de reconstituer le puzzle, parfois même en forçant un peu pour que les pièces s’imbriquent les unes aux autres, je n’arrive qu’à une seule conclusion : ce matin-là, tu m’as trahie.
Ce matin-là, je t’ai retrouvé dans la cuisine de notre grande maison, tu avais les yeux cernés et une barbe naissante, les cheveux grisonnants en bataille. Un peu comme tous les dimanches que nous passions ensemble. Rien d’inhabituel non ? Assis tous les deux à la table, une tasse de café fumant posée devant nous, tu m’as questionnée sur ma semaine au lycée : les profs, les devoirs, les copains… J’ai répondu de manière vague, ayant envie de préserver le plus possible mon intimité. J’avais envie d’avoir des secrets pour toi, comme chaque ado à l’égard de son père j’imagine… Ce que je ne savais pas, c’est que toi tu en avais pour moi. Je pensais te connaître jusqu’au fin fond de ton coeur, je pensais même pouvoir lire dans tes pensées, mais il semblerait que personne ne soit transparent, que chacun garde en lui une part d’ombre, une blessure si grande qu’elle ne peut être partagée, pas même avec sa fille.